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Philippe FIÉVET

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Ludovic Elens: plein les yeux

Dans son espace-atelier du Sablon, il propose une collection exclusive de lunettes design mais produit aussi ses propres créations sur mesure: pas moins de 120 par an dont certaines, en or et incrustées de diamants, ont tapé dans l’œil des visiteurs de l’Exposition universelle de Dubaï.

Il vient à peine de déposer ses valises car, hier encore, il était à Dubaï, où il représentait avec quelques autres artisans d’exception ce que la ville de Bruxelles a de mieux à offrir en matière de luxe. «Avec le BEL, nous avions loué un corner dans le Dubai Design District, le quartier dévolu par excellence à la mode et à la création.»

Cette aventure – une première pour Ludovic, qui ne s’était jamais aventuré jusqu’ici hors du Sablon – a été, de son propre aveu, particulièrement fructueuse. Il a pu illustrer son savoir-faire et présenter à la fois ses lunettes sur mesure et sa collection Jazz. «On a fait venir quelques belles pièces », explique-t-il, «à savoir une paire de lunettes en or massif sertie de 60 diamants, et une autre du même acabit arborant des pierres encore plus imposantes. Bien sûr, ce n’est pas quelque chose que je vends régulièrement, car c’est trop chargé pour le public belge, mais là-bas, ce fut du pain bénit.» 

Dans la foulée, il a exposé à ses visiteurs des lunettes pour femme en bois inspirées du faucon, un volatile qui a du sens sous ces latitudes et dont le public a tout particulièrement apprécié le motif d’ailes ouvertes sur les branches. Depuis, bonne nouvelle, Ludovic Elens a déniché un agent ainsi que d’excellents futurs clients, avec en ligne de mire un événement en mai prochain. «C’est ce qu’on appelle un «trunk show»: on vient avec toutes nos valises, une façon de déplacer notre boutique presque au complet, le temps de séduire les amateurs.»

Si Dubaï est le premier voyage du Bruxellois en terra incognita, c’est au Sablon que son aventure a commencé en 2015. Il a alors 26 ans et, constatant qu’il n’existe aucune marque nationale dans ce créneau, il décide de se lancer dans la fabrication de lunettes. Rapidement, il nous éclaire sur toutes les physionomies rebelles auxquelles ne convient aucune monture standard, que ce soient les visages longs, les nez perroquets ou trop creux, et on en passe: «Je m’adresse ainsi à toutes les personnes ne trouvant pas lunettes à leur nez.» Pour cela, il va se former dans le Jura chez les meilleurs ouvriers, puis revient s’installer au Sablon, seul et téméraire, ciblant pour ses débuts une douzaine de paires... mais contrairement à ses prévisions, il en réalise 120. De quoi naviguer à vue et être dépassé par les événements!

Moins de six mois plus tard, un stagiaire français devient son premier employé. Son épouse Vinciane le rejoint pour la communication et la finance, et trois autres personnes viennent lui prêter main-forte. Aujourd’hui, le rythme de croisière est stabilisé, à raison de 120 montures sur mesure déclinant des matières aussi variées que l’acétate, la corne de buffle, le métal, le bois (trente essences différentes), l’or massif ou l’écaille de tortue. Pour le budget, comptez 1300 euros pour de l’acétate, et une poignée de pétro-dollars de plus pour l’or, éventuellement serti de diamants, histoire de rendre la vue plus perçante. «À côté de ces créations, je propose une collection personnelle que j’ai commencée lors du premier confinement. Inspirée des réalisations les plus plébiscitées par mes clients, elle se compose de huit modèles de différentes tailles. Je l’ai appelée Jazz, car j’aime cette musique et, comme elle, cette collection libre et allègre célèbre les vertus de l’improvisation et de la liberté d’expression.»

Mais le jazzman à lunettes a encore un atout supplémentaire dans ses valises, puisqu’il vend aussi quelques marques internationales triées sur le volet, essentiellement américaines et japonaises, ces dernières étant très appréciées pour la finesse de leurs détails. Un tel succès n’empêche pourtant pas Ludovic de voir plus grand. Son rêve serait de retrouver ses bésicles sur un timbre ou une pièce de monnaie, portées par le roi des Belges.

En attendant, il a trouvé un autre acquéreur: Manneken-Pis! À la demande de la ville de Bruxelles, le lunetier du Sablon a offert une belle paire de lunettes au garnement, estimant qu’à son âge, on commence à devenir un peu presbyte. «Ce sont ses toutes premières, mais il n’a pas eu le temps de les porter. Elles sont allées directement au musée, histoire sans doute de donner raison au mot de Francis Blanche : «Qui aime bien ses lunettes ménage sa monture!»

Philippe Fiévet.
Article publié dans la rubrique Excellence belge de Paris Match Belgique le 17.02.2022.

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