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Philippe FIÉVET

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Nouvelle éducation sentimentale

Depuis le célébrissime roman de Flaubert, on aurait pu croire que les dispositions des hommes à l’égard des femmes n’avaient guère changé, les histoires de passions contrariées non plus, pas plus que celles d’illusions perdues à force d’avoir mal aimé, trop tard, trop peu, voire à tort et à travers. Déjà à l’époque où se déroule le roman, dans les années 1840 à 1867, alors qu’on est encore en pleine période de romantisme, Flaubert écrivait : « Les cœurs des femmes sont comme ces petits meubles à secret, pleins de tiroirs emboîtés les uns dans les autres ; on se donne du mal, on se casse les ongles, et on trouve au fond quelque fleur desséchée, des brins de poussière - ou le vide ! »

Autant dire que de nos jours, le pauvre Flaubert aurait les féministes sur le dos et serait jeté en pâture aux réseaux sociaux, sans parler des « sensitivity readers » qui font la pluie et le beau temps et veulent réécrire la manière dont nous devons voir le monde, en noir et blanc. Certes, depuis Flaubert, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts et même si certains s’obstinent à se retrancher derrière les clichés du genre « les femmes ont besoin d’aimer pour faire l’amour alors que les hommes ont besoin de faire l’amour pour aimer », nous assistons à une volonté de déconstruire les représentations masculines ainsi que les stéréotypes sexistes.

Doit-on croire que de nouveaux codes de séduction plus égalitaires se mettent en place pour autant ? On a beau dire que depuis les « balance ton porc » et autre « balance ton bar » - mouvement né à Bruxelles avant de gagner toute l’Europe - ou, d’une manière générale, depuis la libération de la parole des femmes face aux violences sexuelles, la face du monde a changé, pas ses fesses : 90% des victimes de violences sexuelles sont des femmes et 98% des accusés sont des hommes. Dans une récente interview accordée à Paris Match, Florence Hainaut tapait sur le clou en rappelant que « nous vivons dans une société où les filles et les femmes sont considérés comme des objets à disposition des hommes. » Et d’insister, précisément, sur le rôle d’une éducation sentimentale axée sur le respect de l’autre. En plein phénomène Barbie (plus d’un milliard de dollars de recettes mondiales), quelques échos vont dans ce sens. On parle désormais de « drague élégante » où l’altérité est mise en avant et où la figure archaïque de l’homme passe peu à peu à la trappe, avec un revers à la médaille dans la mesure où, chez beaucoup d’hommes, le syndrome de refus de virilité fait des ravages, bien pire que le reflux gastrique. C’est ce qu’illustre ce cher Ken. Dans le film, le blondin ne sait plus trop à quel « sein » se vouer alors que son machisme revenu au grand galop en prend finalement un sacré coup dans la figure !

Philippe Fiévet.
Édito publié dans Paris Match Belgique le 28.09.2023.

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